L'Institut écocitoyen est une association dont les missions principales sont l'acquisition de connaissances scientifiques autour des questions sanitaires et environnementales, la transmission de ces savoirs et l’organisation d’actions de surveillance et de protection de l’environnement. Pour la première fois, citoyens, élus, industriels et scientifiques collaborent à un projet commun à l'échelle d'un territoire.
Dans le cadre des objectifs de réduction de ses émissions en particules, Lyondell Chimie France (LCF) à Fos-sur-Mer s'intéresse, en particulier, aux émissions atmosphériques de ses chaudières utilisées pour la production de vapeur en interne. Celles-ci sont alimentées par différents types de combustibles : du gaz naturel (GN), du « waste gaz » (WG), et les fuel A et B. Ces deux derniers sont des résidus issus de certains procédés de production du site, éliminés dans une démarche de valorisation énergétique des déchets. Les chaudières constituent la principale source d'émissions de particules et de COV du site.
Le fuel B résulte de la préparation de catalyseur à base de molybdène (Mo) et entraîne l'émission de ce métal dans l'environnement, provoquant ainsi la formation de particules émises par le site. De plus, le Mo présente des propriétés CMR (substances cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction) de catégorie 2 pour sa forme oxydée MoO3 (trioxyde de molybdène), car il est suspecté d'être cancérogène pour l'homme (confirmé chez l'animal). Il provoque, par ailleurs, une sévère irritation des yeux et potentiellement des voies respiratoires.
Des dépassements enregistrés en 2009 par LCF conduisent, ainsi, l'industriel à étudier plus précisément ces rejets afin d'envisager des solutions permettant de réduire ses émissions de Mo et de particules en général. (extrait du contexte des rapports d’études).
L'étude s'est déroulée en 2 étapes :
Les observations en microscopie électronique (MEB) indiquent la présence majoritaire de Molybdène (Mo), Barium, Fer, Zinc, Sodium, Cadmiun, Potassium et Aluminium. L’analyse par diffraction des rayons X (DRX) confirme ces premiers résultats. On précise grâce à ces mesures que la forme MoO3 ne semble pas être présente de façon pure, mais associée aux autres éléments principalement émis par les chaudières. La toxicité de ces formes complexes à base d'oxyde de Mo, est mal connue à l'heure actuelle et peu d'études ont été menées sur ce sujet. Plusieurs de ces oxydes de Mo sont, de même que le MoO3, solubles dans l'eau. Certains sont également considérés comme présentant un risque cancérogène potentiel, mais non avéré. Il convient donc de rester prudent sur la présence de ces oxydes de Mo (en particulier pour ceux qui sont solubles dans l'eau) qui pourraient présenter des risques sanitaires et environnementaux et de les considérer comme potentiellement dangereux au même titre que le MoO3.
Enfin, le Mo se trouve majoritairement dans les particules ultrafines émises (PM1). Logiquement, la concentration en Mo augmente avec la quantité de fioul B apportée à la chaudière. Cependant, on peut noter que même en l’absence de fuel B, des quantités importantes de Mo sont retrouvées dans les émissions à la cheminée. Cela est probablement dû à des ré-émissions de Mo collées aux parois des chaudières et cheminées.
Cette étude conduite à la demande de l'industriel, après une saisine des services de l’État, pose une nouvelle fois la question de la taille des particules présentes dans l'aérosol de la zone industrielle, problématique décrite dans les études Sulttan et Camescop.
Plusieurs orientations du vent privilégient une plus forte concentration en nombre de PM1, notamment en provenance d'Arcelor-Mittal, du terminal minéralier et de Lavéra. Ces augmentations sont également enregistrées lorsque la direction du vent provient de LCF, Ascometal, KemOne.
La concentration en Mo sur les filtres PM2.5 augmente avec le pourcentage de vent en provenance de LCF. L’influence de l'industriel est mesurable à partir de 15% du vent en provenance de LCF environ. Une exception un jour de fortes pluies où, le Mo présent comme on l’a vu dans les PM1 de préférence, y représente la plus grande fraction relative : 23% alors que les autres jours il fait entre 0 et 10% des particules, ce qui semble montrer que les PM1 sont moins affectées par la pluie que les plus grosses particules. Parmi les éléments réglementés, aucun ne dépasse plus de la moitié de la valeur seuil annuelle sur cette courte période (plomb, arsenic, cadmium, nickel).
Le microscope électronique à balayage (MEB) confirme à nouveau la présence de nombreuses particules ultrafines, mais sa résolution ne permet pas de voir celles qui font moins de 0.1µm. De fait, une seule particule contenait du Mo sur plus d’une centaine observées (et 52 spectres enregistrés). Le Mo semblait y avoir la forme chimique d’un oxyde mixte de Molybdène-Sodium (Na2MoO4). Cette unique mesure concorde toutefois avec les observations à la cheminée. Enfin, le MEB a permis d’observer de nombreuses particules de formes sphériques, des “billes” d’oxydes métalliques, notamment de fer mêlé à d’autre éléments comme le Zinc, Chrome, Manganèse ou Plomb.
En microscopie optique (x100), ces billes, de couleur rouge-orange qui correspond bien à des oxydes de fer sont également observées. On y découvre également autant de billes noires, a priori principalement constituées de “carbone-suie” (invisibles au MEB).
Les mesures Raman n’ont pu "voir" que des particules d’au moins 1µm, généralement contituées de fer et de carbone (ou des 2). Le fer apparaît sous plusieurs formes, Fe2O3 - oxyde de fer(III), mais aussi moins bien cristallisé comme FeS2 - sulfure de fer, oxyde de fer(II) ou encore hydroxyde de fer.
En conclusion , on estime que la concentration moyenne de Mo sur le site de mesures est de 6,5ng/m3, soit un peu moins que les calculs effectués par modélisation par BURGEAP en 2006. De fait, les modifications de procédés réalisées depuis par LCF n’ont pas spécialement porté leurs fruits (ou la modélisation BURGEAP doit être remise en question). L’ensemble du Mo est imputable à LCF. Le manque de données toxicologiques et l’impossibilité de donner la forme chimique du Mo (car présent dans les particules trop petites) laissent beaucoup d’incertitude sur l’effet sanitaire.
Enfin, le Mo étant surtout dans les particules ultrafines, le projet de LCF visant à supprimer complètement le Mo des chaudières pourrait n’avoir qu’un effet limité sur ses émissions en PM10, objets de la mise en demeure Dreal. En revanche, cela devrait avoir un impact sur les émissions de PM1 (baisse minimale de 15% en masse si on se base sur la masse de Mo mesurée à l’émission) et bien sûr sur les émissions de Mo, élément sensible vis-à-vis de ses impacts sanitaires potentiels.