L'Institut écocitoyen est une association dont les missions principales sont l'acquisition de connaissances scientifiques autour des questions sanitaires et environnementales, la transmission de ces savoirs et l’organisation d’actions de surveillance et de protection de l’environnement. Pour la première fois, citoyens, élus, industriels et scientifiques collaborent à un projet commun à l'échelle d'un territoire.
Dès juin 2011, l'Institut a mis en place avec le concours de l’Université d’Aix-Marseille une campagne intensive de mesures atmosphériques, afin d'apporter une première réponse quant à la relation entre qualité de l’air et impacts sanitaires et environnementaux sur la région de Fos-sur-Mer. Le principal objectif de la campagne était de fournir un inventaire détaillé des caractéristiques physico-chimiques des particules et des composés organiques volatils (COV) pouvant être rencontrés en zone résidentielle proche de la zone industrialo-portuaire (ZIP) de Fos. La campagne a fait appel à des moyens de mesures en continu de nombreux paramètres (nombre, taille, composition chimique des particules, mesure des COV) disposés au sein de la plate-forme mobile instrumentée MASSALYA. Ils sont restés stationnés pendant 1 mois sur site afin d’enregistrer des événements météorologiques et de pollution de l'air aussi variés que possible et à une échelle de temps fine afin d'appréhender des phénomènes brefs comme prolongés.
En Europe, le suivi de la quantité de particules se mesure par la pesée, selon une méthode imposée par la réglementation à l’ensemble des organismes. Ce mode de mesure s’applique aux grosses particules (> 1 µm) ne prend pas en compte les particules ultrafines, dont le poids est négligeable, et conduit à une surreprésentation des grosses particules (> 1 μm) car elles pèsent plus lourd que les particules ultrafines (< 0,1 μm). Or de nombreuses études montrent que les particules ultrafines (entre 10 et 500 nm) atteignent les alvéoles voire directement le système sanguin, ce qui souligne le risque lié à ce type de polluant. La mesure en nombre réalisée au cours de l'étude a donc consisté à compter une à une les particules en fonction de leur taille. Cette notion, à l’inverse de la masse de particules, tient principalement compte de ces particules ultrafines puisqu'elles sont toujours nettement les plus nombreuses. Ce mode de mesure des concentrations des particules offre ainsi une vision complémentaire particulièrement pertinente. Elle est d’autant plus appropriée dans la zone de Fos-sur-Mer que les foyers de combustion (industrie, trafic routier…) émettent principalement des particules ultrafines. Au cours de l’étude, le nombre moyen de PM1 a atteint 12 000 particules.cm-3, soit un niveau comparable à celui d’un fond urbain de grande ville (en moyenne entre 10 000 et 25 000 particules.cm-3). Ce niveau est conforme à ce qui pouvait être pressenti dans cette zone, notons toutefois que les conditions météo ont été favorables à la dispersion des particules lors de la période de l’étude. Le nombre moyen de PM1 est d’ailleurs nettement moins élevé pendant les épisodes de mistral (9 700 particules.cm-3) que lors des autres régimes de vent (15 600 particules.cm-3).Hors mistral, il apparaît des périodes très chargées en particules avec des pics qui dépassent 100 000 particules.cm-3. Ces pics interviennent principalement par des vents d’un large secteur sud, et sont souvent associés aux élévations de concentrations en SO2, indiquant une origine industrielle probable. En revanche, peu de corrélation a pu être constatée entre la mesure en masse des PM10 et le nombre de PM1. Cela confirme que la détermination en masse des aérosols n'est pas une unité pertinente pour représenter l'importance de la contamination par les aérosols en site industriel. La mesure du nombre de particules apparaît donc comme un complément indispensable à une meilleure vision de la pollution par les particules dans une zone comme celle de Fos-sur-Mer particulièrement exposée aux émissions industrielles.
La taille des particules joue un rôle prépondérant dans leur dangerosité, notamment pour les plus fines qui peuvent passer directement dans le sang en franchissant les parois alvéolaires. Les mesures ont montré des proportions particulièrement fortes en particules ultrafines (0,01 à 0,1 μm) au cours du mois, qui atteignent 85 % du nombre total de PM1 (0,01 à 1 μm), soit un niveau généralement considéré comme fortement impacté par les activités humaines. Il faut noter que les particules ultrafines prennent une part plus importante par mistral (87 %) que par les autres régimes de vent (81 %) mais restent élevées dans les deux cas. La campagne CAMESCOP a ainsi été témoin d’épisodes photochimiques caractéristiques avec augmentation progressive des particules ultrafines en fin de matinée. Au contraire, les périodes hors-mistral moins ensoleillées sont caractérisées par des augmentations brusques et très intenses de certaines catégories de tailles de particules. Ces épisodes attestent de l’arrivée soudaine de masses d’air très chargées en particules fines et sont généralement observés lors des changements de vents. Ces caractéristiques et l’orientation des vents en provenance du secteur sud semblent indiquer une origine industrielle de ces événements.
Les résultats de l'étude Camescop ont lancé toute une série de campagnes de mesures des particules ultrafines. L'étude SULTTAN, l'étude de source ou le suivi en continu des particules ultrafines.
Les particules sont composées de matière organique constituée de plusieurs milliers de molécules différentes, de carbone inorganique (carbone-suie), d’ions inorganiques (nitrates, sulfates, chlorures…) et de métaux. Cette composition est le reflet de leur origine et de leur évolution dans l’atmosphère en fonction des conditions rencontrées (présence de COV, gaz, température, photochimie…). Même si le lien de cause à effet reste difficile à démontrer, il est très probable que la composition chimique des particules joue un rôle important sur leur toxicité et leur impact environnemental. En moyenne, les PM1 rencontrées à Fos/Carabins en juin 2011 sont constituées à plus de 40 % de matière organique, et environ 20 % de sulfates. Les ammoniums, nitrates et carbone suie représentent 8 à 10 % chacun, en supposant que les espèces qui ne sont pas considérées ici (métaux, chlorures, fluorures notamment) comptent pour 20 % de la masse des PM1. Ces proportions se rapprochent là encore des proportions rencontrées au sein d’une grande ville, avec toutefois une part importante de sulfates. Un caractère relativement acide notamment lors des périodes de pics de particules hors-mistral a pu être observé. Certaines de ces périodes associent également des pics en HAP totaux ainsi qu’en carbone-suie, mais pas systématiquement. Cela montre la grande complexité de la composition chimique des particules, qui peut varier considérablement selon leurs sources et leur vieillissement dans l’atmosphère. Les particules observées par mistral montrent en revanche une composition plus constante avec une très forte proportion de matière organique, suggérant ainsi une formation de ces particules par photochimie, un processus qui engendre presque uniquement des molécules organiques. Parallèlement, les teneurs en métaux mesurées à Miramas font état notamment d’augmentations en plomb et en vanadium (deux métaux caractéristiques des activités industrielles) les journées où des pics de particules sont observés à Fos/Carabins, soit les périodes hors-mistral. Il est donc probable que les épisodes de pollution en nombre de particules s'étendent jusqu'à Miramas.
Les composés organiques volatils (COV) sont caractérisés par la présence d’atomes de carbone et d’hydrogène. Il existe des milliers de molécules qualifiées de COV (hydrocarbures légers, alcools, aldéhydes, terpènes…), qui par définition se volatilisent facilement et parmi lesquels seul le benzène est actuellement réglementé dans l’atmosphère extérieure. Sur la deuxième quinzaine du mois, la concentration moyenne en benzène était de 0,15 ppb alors qu’AirPaca a mesuré sur l’année une concentration moyenne de 0,44 ppb, démontrant encore que la période d'étude était très favorable à la dilution des contaminants atmosphériques. Malgré tout, les épisodes météorologiques sans mistral de la deuxième quinzaine de juin 2011 ont été témoins d’augmentations significatives des niveaux en hydrocarbures. Ils sont parfois associés à des pics en SO2 et en nombre de particules (ex : période de vent de sud d’environ 48 h du 20 au 23 juin). Au contraire, l’épisode de brises du 25 au 28 juin qui présentait des pics de SO2 en journée seulement par brise de mer ne montre des niveaux élevés en hydrocarbures que la nuit par brise de terre. Lors de cette période, le nombre de PM1 reste élevé de jour comme de nuit. Cela illustre à nouveau la complexité et la diversité des phénomènes à Fos/Carabins, l’hypothèse la plus plausible étant que des sources différentes impactent le site selon l’orientation de la brise. Cependant, quel que soit le régime de brise, le site reste constamment exposé aux émissions locales.