L'Institut écocitoyen est une association dont les missions principales sont l'acquisition de connaissances scientifiques autour des questions sanitaires et environnementales, la transmission de ces savoirs et l’organisation d’actions de surveillance et de protection de l’environnement. Pour la première fois, citoyens, élus, industriels et scientifiques collaborent à un projet commun à l'échelle d'un territoire.
Dans le cadre du projet FOS-SEA dont l’objectif est de caractériser l’impacts des sous-produits de chloration (SPC) relargués dans le golfe de Fos sur l’environnement (diffusion dans l’air, l’eau de mer, les sédiments et les organismes vivants) l’équipe de l’Institut Ecocitoyen, appuyé par ses partenaires a fait un gros travail de recherches,de prélèvements, et d’analyses sur les éventuels dangers climatiques et sanitaires de ces SPC.
Le golfe de Fos est soumis au moins à 6 exutoires industriels qui rejettent des eaux chlorées à des débits très importants (supérieur à 10 000 m3/h) en mer. Ces rejets de chlores, avec des impacts négatifs sur l’environnement, sont au centre des préoccupations des citoyens, des collectivités, des utilisateurs et des associations de défense de l’environnement. Conscients de ces enjeux environnementaux et sanitaires, les citoyens manifestent leurs préoccupations à travers une opposition à certains projets industriels à l’image de la forte mobilisation effectuée contre l’installation de nouveaux terminaux méthanier « Fos Faster » en 2010.
La chloration de l’eau, dont la finalité pour les industriels est l’élimination des micro-organismes des eaux traitées, sauf que, le chlore en mer, réagit très vite avec le brome et la matière organique pour former des SPC.
Puis en 2014, un premier travail exploratoire a été réalisé dans les eaux et certains rejets. Ce projet a fait l’objet d’un partenariat entre l’Institut Ecocitoyen et le Laboratoire de Chimie de l’Environnement, tous engagés sur le sujet.
L’étude FOS-SEA lancée en 2016 pour une période de 4 ans et soutenue par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) et la Région Sud-PACA à hauteur de 850000 €, a été un projet riche de recherches et d’analyses, un franc succès scientifique car, l’étude a été prise en exemple dans l’évaluation de l’impact environnemental de la création d’un terminal méthanier dans la région de Melbourne, en Australie.
Les scientifiques Australiens, en se focalisant sur cette étude FOS-SEA ont montré la nécessité de prendre en compte les effets des SPC sur le long terme.
L’Institut Ecocitoyen a commencé à chercher les SPC dans les tissus de poisson du golfe de Fos en 2013, et il y a notamment retrouvé du tribromophénol (TBP) dans une grande partie d’entre eux.
L'étude FOS-SEA fait suite à l'étude de bioimprégnation du milieu marin via les congres et à la première étude sur les sous-produits de chloration dans les eaux du golfe. Un des volets de FOS-SEA est la campagne de mesure de la salinité.
Le chlore est utilisé par les industriels du golfe de Fos pour ralentir la prolifération d'algues dans les conduites. Il est ensuite rejeté en mer, où il se transforme très vite en de nouveaux produits, souvent toxiques pour le milieu marin. Parmi eux, le bromoforme. Il est rejeté vers la mer et s’évapore rapidement dans l’air, pouvant alors affecter la chimie de l’atmosphère et de la couche d’ozone.
L’étude FOS-SEA a permis :
En raison de différentes activités industrielles qui encerclent le golfe, l’inquiétude des riverains ne cesse d’augmenter concernant la qualité de l’environnement. Un phénomène chimique attire en particulier toute leur attention : la formation des SPC. Ils constituent un risque environnemental énorme et sont plus ou moins connus par le grand public. C’est pourquoi, dans le cadre du projet FOS-SEA, l’équipe de l’Institut Ecocitoyen en synergie avec ses partenaires se sont fixés comme objectif de déterminer les effets de ces rejets d’eaux chlorées dans le golfe.
Cette étude axée sur les sous-produits de chloration dans les eaux de Golfe de Fos a permis d’identifier 15 molécules appartenant à 7 familles de composésorganobromés(trihalométhanes, haloacétonitriles, acides haloacétiques, halophénols, halonitrométhan, haloacétaldéhydes et haloacétamides). Certaines molécules ont été découvertes pour la première fois dans cette étude des rejets d’eau chlorées, tandis que d’autres doivent être identifiées, ce qui représenteraient + de 80% du total. On note une concentration très importante dans les rejets des eaux chlorées (plusieurs dizaines de µg/L).
Ce projet a permis d’élucider et notamment de comprendre le processus de diffusion des sous-produits chlorés qui se fait suivant les courants, qui eux-mêmes obéissent principalement aux conditions de vent dans le golfe de Fos. Ainsi par vent de sud-est en avril 2017, ils sont principalement bloqués dans la Darse 1 alors que par vent de nord-ouest (mistral) en octobre 2017 ils se diffusent largement dans l’Anse de Carteau (à l’ouest du golfe). Mais en juin 2019, en l’absence de vent, on observe de fortes concentrations et une diffusion intermédiaire entre les 2.
Comme éléments de conclusion, le bromoforme (CHBr3) a été détecté dans l'ensemble du golfe, à des concentrations supérieures aux niveaux côtiers "anthropisés" classiques dans la partie nord du golfe, notamment en profondeur.
Dans un premier temps, il a fallu se rendre à l’évidence sur le peu de connaissance de l’accumulation des SPC dans les organismes marins et plus précisément sur ceux exposés à des rejets industriels d’eaux chlorées.
Cependant, les analyses ont permis de détecter un composé potentiellement toxique dans les organismes marins : il s’agit du tribromophenol (TBP) identifié chez les congres en raison de son caractère lipophile qui occasionne l’accumulation dans les graisses.
Pour effectuer ces mesures, des poissons (congres), des oursins, et des moules ont été prélevés dans tout le golfe de Fos, mais aussi dans le Parc National de Port-Cros, dans la région de Sète et en Corse pour établir une comparaison. Les niveaux de TBP trouvés dans les organismes indiquent qu’il s’accumule bien dans le tissu gras. Les concentrations en baie de fos sont systématiquement plus élevées que dans les autres sites d’études (Port-Cros, Sète, Corse) et aussi nettement plus élevés que les quelques références scientifiques connues à ce jour. On peut donc supposer qu’il y a bien une accumulation de TBP dans les organismes marins dont la principale cause est le rejet des eaux chlorées par les industriels. Etant donné les niveaux de TBP dans ces espèces aquatiques, qui font l’objet de consommation par la population, le risque calculé pour la santé humaine reste faible, mais n’est basé que sur des travaux très incomplets. Les effets du TBP sur la santé humaine sont encore aujourd’hui très mal connus.
Les scientifiques et les chercheurs se sont aussi inquiétés des effets des rejets de chlore sur le phytoplancton (une micro-algue), notamment sur les aspects éco-toxicologiques.
Pour cette étude, ont été choisis, trois composés de SPC très présents dans les eaux du golfe de Fos.
Les processus toxiques aïgus se produisent à partir de concentrations de l'ordre du mg/l, qui sont 1 000 fois supérieurs à celles des eaux du golfe. En conclusion, la génération de toxicité aiguë est limitée.
Cependant, il est important de comprendre que l'exposition du plancton aux SPC peut favoriser le développement de certaines familles de phytoplancton ainsi que de certains types de bactéries.
Il faut aussi garder à l'esprit qu'au golfe de Fos, il reste difficile d’établir des liens entre la concentration en SPC et le phytoplancton ou les cyanobactéries notamment en raison des impacts prépondérants des apports nutritifs (intrants du Rhône ou de l’Etang de Berre) et des paramètres hydrologiques (température, salinité).
Les résultats de l'étude FOS-SEA seront présentés à l’issue des 4 ans d’étude, lors d'un colloque international. Pour l'heure la première campagne de terrain s'est tenue à la fin avril 2017 dans des conditions difficiles en mer, avec vent de sud-est soutenu et des vagues jusqu’à 1.5m. Tous les rejets étaient actifs.
Du bromoforme (CHBr3) a été détecté dans l’ensemble du golfe, à des concentrations supérieures aux niveaux côtiers “anthropisés” classiques dans la partie nord du golfe, notamment en profondeur.
Une évaluation, indépendante de la toxicité aïgue de 3 composés de SPC, ont été évalués pour les larves d'oursins. L’étude FOS-SEA nous a permis de comprendre que La toxicité est de l'ordre du mg/L, soit 1 000 fois supérieure aux concentrations les plus élevées enregistrées dans les eaux du Golfe, ce qui traduit un risque faible de toxicité aïgue.
Par contre, un effet "cocktail" de ces 3 composés a été observé. Il sera alors nécessaire d'évaluer l'effet du mélange complet à l'avenir qui peut inclure environ 15 composés qui ont été identifiés, ainsi que d'autres composés inconnus.
Les juvéniles d'oursins adultes du golfe de Fos sont plus résistants au bromoforme que les larves d'adultes non exposés (Giens). Les gènes impliqués dans cette résistance sont associés à la régulation du cycle cellulaire, à la réponse au stress oxydatif, au maintien de l'intégrité du génome. En parallèle, on constate donc qu’il y a eu une adaptation génétique localement à Fos, permettant la résistance observée au bromoforme. Cependant, cette adaptation peut aussi être liée à l’exposition à d’autres produits dans le golfe de Fos plus qu’ailleurs (métaux, hydrocarbures…).
- 2019 : Détermination des teneurs en sous-produits de chloration dans les organismes marins du Golfe de Fos